Mariage, force, et ma rage, forcée | Voix de Femmes
Quand l’ONU annonce une moyenne de plus de 700 millions de femmes condamnées à la perte de leur intégrité, de leur liberté et de leur autonomie par le biais du mariage forcé, quand on sait que plus d’une victime sur trois l’a été alors qu’elle n’avait pas 15 ans, quand on voit que l’évolution, quoique positive reste encore très limitée, forcément, on s’indigne.
Et tu fermes les yeux, en espérant qu’il s’arrête.
Et tu serres les dents, en priant un Dieu auquel tu ne crois plus.
Et tu presses tes poings, serrés sur ces draps si blancs.
Si blancs et pourtant déjà fétides, salis des effluves de cet homme que tu connais à peine, cet homme qui marque déjà ton corps de ses doigts sales, cet homme que tu dois maintenant appeler époux.
Et tes ongles plantés dans ta paume moite laissent une goutte de sang glisser le long de tes bras fatigués, éreintés, harassés, griffés, emprisonnés, de ses mortelles étreintes.
Et tu pars.
Dans ces contrées doucereuses, qui pour être fugaces n’en sont pas moins précieuses.
Tu observes encore cette jeune fille, du haut de ton nuage de coton, et tu te sens triste pour ses larmes qui ne s’écoulent pas, ses cris qui ne s’échappent pas, sa rage qui ne s’enflamme pas, sa douleur toujours contenue et ses poings toujours serrés.
Et tu fermes les yeux, et tu serres les dents, et tu presses tes poings.
Tu as déjà donné au Néant ton innocence, ta liberté, tes choix et ton hymen, voilà que cet homme te prend à présent ta dignité. Mais pourquoi ne prend-t-il pas cette flamme qui brûle en toi, te consume et te consomme ? Pourquoi n’éteint-il pas le brasier qui te hurle l’envie de te lever et de crier et de frapper et de vaincre et convaincre le monde entier de l’injustice qui se déroule en secret ? Sur ces draps si blancs.
Et tu fermes les yeux, et tu serres les dents, et tu presses tes poings.
Il t’arrive de rêver, comme d’autres avant, comme d’autres après, à un jour où chacun et chacune des hommes et des femmes auront enfin le droit de choisir comment et avec qui couler sa vie. Tu secoues ta tête, lasse d’illusions chatoyantes : ce n’est qu’un rêve trop ambitieux. Tant que le mariage et le sexe seront encore des outils sociaux, diplomatiques et économiques, comment espérer être considérée comme autre chose qu’un pion ? Et pourtant, dans ce combat voué à l’échec, tu prends le parti fou de devenir la reine qui matera ce monde sombre dirigé par les chèques.
Et tu fermes les yeux, et tu serres les dents, et tu presses tes poings.
Tu te sens seule dans tes draps blancs, mais tu te raccroches à la certitude que tu ne l’es pas. Oui, en France il y en a peu des femmes dans ton cas, mais tu sais que vous représentez tout de même au moins 1% de la population, et que d’autres voudraient t’aider à lutter contre cet étau qui te brise les côtes. Triste consolation que de se dire que d’autres souffrent aussi, mais tu sais que de chacune de vos mains ensanglantées jaillira bientôt un poing levé, qui, lancé avec force, abattra incessamment ce mur de pierre érigé depuis déjà bien trop longtemps entre les Hommes et la Liberté.
Alors tu fermes les yeux, tu serres les dents, et tu lèves ton poing.
YaLM
L'association Voix de Femmes lutte contre les mariages forcés.
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