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Le Je qui s'efface | Les filles et le jeu vidéo

Si les statistiques nous apprennent qu’en France, près de la moitié des joueurs sont en fait des joueuses, la gente féminine y reste pourtant presque ignorée, dans ce milieu encore. Mais pourquoi une telle sous-représentation ? N’y aurait-il pas là comme une impression de déjà-vu ? Et puis après tout, dans le jeu de la vie, des relations sociales, des conflits sexués et dominations sociétales, quel rôle occupe les jeux vidéo, souvent décrits comme membres de la simple « sous-culture » ?

« Calme-toi enfin, c’est pas grave. »

Non, évidemment.

Ce n’est pas grave. Evidemment qu’il y en aurait bien d’autres des combats à mener, d’autres causes pour lesquelles s’indigner. Ce n’est pas comme si tu les vivais chaque jour, ces remarques, ces mots, ces coups d’éclats qui viennent fissurer un peu plus la membrane déjà fine de ta confiance en toi.

Et puis ce n’est pas comme si tes efforts étaient sans cesse réduits à néant. Tes révoltes dévalorisées. Tes mots déformés. Ton travail moins bien payé.

Après tout, qu’est-ce qu’un jeu vidéo ? Ce n’est qu’un moyen de s’affirmer, de se construire, de se rencontrer, dans des contextes supposés être détendus, volontaires, favorables à l’édification de l’identité.

Donc finalement, est-ce que ça importe réellement que les autres t’attaquent, non pas sur ta défense, ta tactique, ta stratégie, mais ton sexe ? Peut-on réellement penser que tout cela aura des impacts sur ta mentalité et l’image que tu portes de toi-même ?

Enfin, il va bien falloir que tu commences à l’intégrer, le fait que tu n’es QU’une femme ! Ils ne t’avaient pas suffi les harcèlements ordinaires, les blagues sexistes et les traitements différentiels ?

Comment ça, tu aurais « juste » voulu pouvoir jouer, comme tout le monde, à un jeu vidéo ? « Comme tout le monde » ! Mais enfin ! Dans quel monde vis-tu ! Habitue-toi une fois pour toutes à ce système patriarcal, comprends que tu as choisi le sexe faible, le mauvais chromosome, la génétique inférieure.

Oui, enfin, choisi…

Tu existes, et c’est déjà beaucoup. Ne t’en plains pas, on n’y peut rien. Ne me dis pas que tu n’es pas au courant, que tu n’as pas vu ? C’est imprimé partout. Dans les journaux, sur les écrans, dans le regard des gens : ça a toujours été comme ça, et ça le restera.

Alors tu te demandes pourquoi, tu te demandes ce que tu as fait pour mériter un tel traitement. Tu te demandes comment ton espèce peut se montrer aussi aveugle sur ses maux, aussi cruelle dans ses mots. Et tu comprends enfin.

Ce n’est ni une question de mérite, de valeur ou de justice ; mais bien de traditions, de mentalités, et de combats inachevés.

Alors, du fond de ton canapé, les mains sur ta manette, tu voudrais comprendre. Comment une espèce capable de créer des œuvres comme la mousse au chocolat et FIFA, peut-elle décider, sous couvert de la culture et de la religion, d’opprimer en son propre sein la moitié des siens ?

Tu te sens alors investie d’un pouvoir nouveau, grande responsabilité, lourde échappe qui pèse fièrement sur tes solides épaules, t’obligeant à bomber la poitrine. Non, tu ne te laisseras plus abattre par quelques remarques d’ignorants, tu ne laisseras plus les autres bâillonner la femme qui hurle en toi, tu ne seras plus le jouet d’un monde misogyne.

On ne naît pas opprimée, on le devient. Et tu sais maintenant que tu ne le deviendras pas. Ton esprit empli de conviction, tes yeux brillants de détermination, tes doigts serrés dans la révolte, ton sourire sur ton visage... Tu appuies sur Play.

 

Marion Coville, sociologue doctorante, fine observatrice de ces pratiques nous livre ici son analyse.

Conférence : le Mardi 21 NOVEMBRE à la médiathèque Visage du Monde à 19h - Les filles et le jeu vidéo


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